Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/193

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Je contemple Ugolin, dont le visage grimaçant paraît tenaillé par le remords, avec une curiosité ardente. Je ne parviens pas à déchiffrer cette énigme vivante.

— Voyez-vous, reprend le vieillard, j’aimerais mieux avoir tué un millier d’hommes qu’un seul singe. Mon excuse est que j’ignorais. Depuis j’ai voyagé encore. J’ai parcouru notamment l’Inde, ce berceau de la civilisation. Or, monsieur, vous l’ignorez peut-être, dans l’Inde, le singe est Dieu, le singe est Roi. Peine infamante contre quiconque touche au singe. Des milliers de brahmines perpétuent son culte, s’agenouillent devant lui. Et cela depuis qu’il y a des hommes qui furent rachetés par le singe… Vous connaissez le Râmayana ?

Euh ! J’ai quelques souvenirs bien confus là-dessus. Et puis, je ne vois pas très bien le rapport.

Ugolin sourit, méprisant.

— Parbleu, vous préférez la Bible, ce tissu d’absurdités et d’incohérences. Sachez que le Râmayana c’est le grand poème de l’Inde, la source de toute beauté. Le Prince Râma, fils de Vichnou, recherche son épouse que le cruel Râvana vient d’enlever et qu’il tient captive dans sa citadelle de Lanka. L’infortunée Siva se désespère : elle appelle le jeune Dieu, son époux. C’est alors qu’intervient Hanouman, le roi des singes. Il lance ses cohortes contre la ville : il taille en pièces les guerriers de Râvana, délivre la reine et la pousse dans les bras de Râma. Et, devant le peuple assemblé, les deux héros, Râma et Hanouman, le Dieu, le Singe, s’embrassent, scellant ainsi l’alliance des bons contre les méchants. Voilà, mon-