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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/194

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sieur, ce qu’est le singe dans l’Inde. Et, tenez, écoutez Michelet, ce grand visionnaire. En quels termes émus vous parle-t-il du Singe-Héros : « Hanouman, s’il a de grosses épaules, n’en est que plus admirable ; dans son dévouement pour Râma, il enlève des mondes sur son dos. Né de l’air, conçu du vent, un peu vain, il a tenté, voulu l’impossible ; la forte mâchoire d’en bas qui le rend un peu difforme rappelle qu’encore enfant il eut l’élan insensé de monter dans le soleil. Il tomba, et depuis lors, lui, et après lui sa gent, ont été marqués de ce signe. » — Écoutez encore : « Hanouman est amusant et touchant. Son grand cœur, ses douces vertus, mêlées de petits ridicules, font à la fois rire et pleurer. » Voilà le singe, monsieur, tel qu’il est, tel qu’il se montre à qui sait l’approcher et l’aimer.

À ce moment, Ciron se ramasse sur ses jambes et détend son corps immense :

— Le singe a bien dégénéré depuis Râma. C’est l’homme qui l’a corrompu. Il était doux et une âme paisible habitait son corps velu. Aujourd’hui, il n’est plus que grimace. Il ne peut d’ailleurs rendre aucun service réel. Dès qu’il a mis les pieds sur la terre d’Europe, il se meurt d’anémie et de tuberculose. Laissons les singes à leurs forêts et à leur soleil.

— Laissons-les à la liberté, appuie Ugolin. C’est un crime atroce que de mutiler un singe. Tandis que l’homme, cette brute d’homme… peuh !

Il se lève brusquement et se plante devant moi.

— Voici le plus sérieux, dit-il. Je passe sur les diverses péripéties de mon existence, mes longs voyages, mes séjours dans les mondes inexplorés. J’ai