Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/219

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Et le plus curieux, c’est qu’aucune répulsion ne me soulève, alors que je ne sais voir gicler le sang rouge et que je me recroqueville devant tout attentat sur l’être vivant. Je trouve ça tout naturel, parfaitement acceptable. Suis-je cuirassé d’insensibilité ? J’entends Ugolin qui poursuit ses explications sur le greffon placé dans son milieu, sur le plasma nutritif, sur les merveilles de l’endocrinologie chirurgicale. Des mots m’arrivent par bouffées. Mais ils m’atteignent en ordre dispersé et s’évaporent sans me pénétrer. Je rêve bien loin de la table d’opération, très loin d’Ugolin, très loin des vieillards rassemblés. Je rêve d’éternité, de revitalisation, et, sur ma tête lasse, voltigent des pinces démesurées, accrochées à des bourses et qui dansent la java avec des ovoïdes.



Ugolin reprend :

— Un quart de siècle, ai-je dit. Et même davantage. Comprenez-vous ce que cela signifie ? Tous les trente ans, nous nous renouvellerons, et l’accident, l’accident seul, que d’ailleurs nous allons supprimer, pourra détruire la vie… la vie dont nous deviendrons les maîtres, que nous dirigerons à notre fantaisie. Nous sommes les Éternels. Nous n’aurons d’autre fin que celle de cet atome terrestre, à l’heure où se détraquera le système solaire. Si toutefois… Mais n’anticipons pas, ne poussons pas trop loin les hypothèses et les espérances. Le certain, c’est que l’avenir nous appartient. Je suis, vous