Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/244

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hortes innombrables emplirent la place de l’Hôtel-de-Ville, les quais, les ponts, la place Saint-Michel, toutes les rues, toutes les traverses, tous les débouchés qui aboutissaient à Notre-Dame.

Car, ce qu’on venait contempler, ce qu’on voulait voir, c’était Notre-Dame. Et, parmi les premiers rangs pressés de la foule, autour des barrages établis par les policiers et les soldats, baïonnette au canon, un silence glacial figeait, dans une rigidité de marbre, tous ces êtres moisis par l’horreur, raides et muets comme un mur.

Notre-Dame !… Le spectacle valait le dérangement. Un petit soleil léger grignotait les rosaces et picorait les dentelles de pierre. Mais là-haut, tout là-haut, la vieille église moyenâgeuse, griffée par tant de siècles, la vieille église de Quasimodo était décapitée.

L’« H » classique ne tenait plus que sur une patte. Une des tours, celle de droite, s’était évaporée, pendant la nuit.

La foule se noyait dans l’hébétude. Sur la place, des messieurs circulaient, affairés, le ventre barré d’une écharpe ; d’autres messieurs gavés de galons, aboyaient des ordres brefs. Et, dans le lointain, le mugissement des curieux déferlant en tempête qui se refusaient à croire, qui accueillaient la nouvelle avec des clameurs de colère. Il fallut repousser cette muraille vivante. Les soldats chargèrent, se perdirent dans l’écume où ils furent désarmés, lacérés. Puis, la multitude fondit sur l’église mutilée. La place fut inondée de fourmis épileptiques, grimaçantes, s’entre-dévorant. Ce délire régna toute une matinée. Il ne fallut rien moins qu’une