Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/245

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nuée d’avions et de mitrailleuses pour disperser, dans le sang et dans la rage, ces hordes de forcenés carnavalesques.

Le même soir, le téléphone, le télégraphe, la T. S. F. apprenaient à l’univers entier le stupéfiant événement.

Une des tours de Notre-Dame avait disparu.

Ugolin, l’insaisissable, le terrifiant Ugolin venait de voler une des tours de Notre-Dame.



J’ai l’impression, en cet instant où je bondis, d’un élan, dans le passé, que je suis entraîné, grain de poussière, dans le tourbillon de la foule exaspérée. Le flot qui rugit ses imprécations ressemble à cette foule bouillonnante et désemparée. Cependant, piquant les ténèbres, des phares éjectent leurs lueurs intermittentes de vers luisants. Des vaisseaux, cette nuit, seront encore ballottés par l’ouragan qui s’annonce, cherchant à tâtons leur route obscure, quêtant les signaux des hommes. Rien de changé au fond, sur le fumier terrestre. Des navires glissent sur les océans avec leur chargement et leur équipage. Des femmes se couchent dans des nids tièdes à l’heure où je dialogue avec quelqu’un que je sens toujours en moi. Rien de changé. Des êtres naissent, besognent, se dispersent. Le sol se vêt de tapis verts et les neiges auréolent les cimes des monts. La terre est toujours la terre. Le monde est toujours le monde. Rien de changé. Mais Ugolin a révolutionné l’univers.