Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/28

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— Néer, Néer, dis-je, vous voulez greffer anatomiquement, remplacer les vieilles jambes d’Ugolin…

— C’est bien cela.

— Par des jambes plus vigoureuses, plus jeunes ?…

— Oui.

— Des jambes que vous emprunterez à d’autres ?

Il se tait et ses yeux glacés ont un petit clignotement.

— Néer, vous n’y pensez point sérieusement… Oh ! Je vous ai compris. Vous substitueriez, aux parties du corps hors d’usage, des parties nouvelles et vivantes. Vous êtes capable, certes, de miracles. Vous pouvez, si vous le voulez, reconstituer un individu, morceau par morceau et réussir ainsi à faire de chacun de nous un ensemble de pièces rapportées… Mais, pour cela, il vous faudra prendre le couteau du boucher et trancher dans de jeunes chairs palpitantes, sans anesthésie possible, si vous voulez garder aux tissus toute leur activité. Ce serait monstrueux. Ce serait tenter le Mystère qui nous tient lieu de Divinité. Et sommes-nous déjà si assurés de n’être point des criminels ?

Il n’a pas bougé sous l’apostrophe ; son visage fermé est demeuré d’une dureté froide, avec seulement, une légère crispation aux commissures des lèvres. Il prononce simplement :

— Inutile d’insister. J’ai déjà réfléchi et je me suis dit tout ce que vous pouvez me dire.

Je laisse tomber mes bras contre mes cuisses, atterré. Il est donc écrit que la prodigieuse aventure se terminera ainsi, sauvagement, dans un éclaboussement de sang, dans l’apothéose du découpeur-recolleur. Et qui sait même si ces expériences répétées ne finiraient