Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/294

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Elle ne me laisse pas le temps de répondre à la question.

— Je sais tout, clame-t-elle, de votre abominable aventure, tout. J’ai déchiffré vos griffonnages, médité sur vos aveux. Vous-même n’êtes pas convaincu d’avoir raison… vous et d’autres… Vous vous interrogez peureusement. Oh ! ce n’est point le remords qui vous taquine ; mais vous sentez obscurément que la partie n’est pas absolument gagnée. Il y a des brumes à l’horizon. Ugolin, votre divin Maître, est atteint mortellement, vous entendez, mortellement et il le sait ; il ne s’y trompe point. Il attend avec résignation que les jeunes, les vrais jeunes vous balaient tous, flibustiers, cambrioleurs, filous, qui débutez par les coffres-forts et finissez par vider les âmes.

Cette fois, elle est allée trop loin. Elle en a trop dit. Un sursaut de fureur me jette sur elle. Il y a des années que j’ai oublié la colère ; aujourd’hui, j’écoute le vieil homme, la brute du vingtième siècle me souffler des pensées de meurtre. Je viens de renverser Judith ; je la tiens à la gorge, mon genou labourant sa poitrine, et, penché sur son visage tourmenté, je lui lâche un paquet d’injures ignobles, de ces mots que nous avions rayés de notre vocabulaire. Elle ne se débat même point, mais il jaillit de ses yeux une telle flamme de souveraine pitié et d’ironie méprisante que je l’abandonne. Et, soudain, je me vois transporté très loin en arrière, dans le Paris de ma jeunesse, et Juliette est là qui me nargue, jouant avec ma faiblesse.

Je passe ma main sur mon front en sueur. Judith se soulève, respirant avec force. D’une voix à peine perceptible, elle murmure :