Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/301

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Aveugle ! Pourquoi aveugle ? Et en quoi cet accident peut-il entraîner le découragement de l’un, la joie frénétique de l’autre ? Il y a déjà pas mal de temps qu’Ugolin est hors de cause, passé à l’état d’idole momifiée, relégué dans un sanctuaire hermétique. Ce n’est point une infirmité supplémentaire qui peut ajouter au désenchantement du Grand Cercle privé de son cornac.

— Ceci n’est rien, grince Neer. Mais Ugolin ne se trouve pas le seul plongé dans la nuit. Son collaborateur le plus dévoué, Potrel, lui aussi, est atteint.

— Que me contez-vous là ?… Potrel ?

— Potrel est aveugle. Le professeur Muller, l’inventeur de la douche magnétique, se plaint de troubles de la vue, le docteur Bourrachu, un spécialiste, comme vous savez, a découvert un système de lunettes sans lesquelles il lui est impossible de distinguer les objets à trois pas…

Je vocifère :

— C’est donc une épidémie ?

— Pire, affirme Neer, une conclusion. Eh oui ! Tous les beaux efforts d’Ugolin en vue de la conquête de la longévité — et peut-être, disait-il, de l’immortalité — atterrissent à ce délicieux épilogue : la Cécité. Ce n’est pas la mort. Ça ne vaut guère mieux.

Je sens ma tête qui s’alourdit. Déjà, je me vois plongé dans les ténèbres sans fond. Aveugle, aveugle ! Il est écrit que nous deviendrons aveugles, les uns après les autres. La voilà, la revanche, l’abominable revanche de l’inconnu que je subodorais depuis