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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/302

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des années. Aveugles. Nous sommes perdus et le Monde avec nous.

— La Cécité, poursuit Neer, de sa voix rude, ah ! le merveilleux résultat ! Tant de jeunesses consumées, qui auraient pu s’épandre librement selon la véritable loi naturelle, pour ce dénouement… obscur… c’est bien le mot de la situation, hein ? Admirable couronnement. Finis coronat opus, comme disaient nos anciens.

Il se met à rire, d’un rire épais et violent, un rire en bourrasque qui brise mes nerfs à haute tension. J’examine Judith. Debout, silencieuse, on dirait qu’elle rêve, loin, très loin de nous.

— Vous ne dites plus rien ?

Ses yeux ont un reflet soudain de lumière froide. Ses lèvres s’entrouvrent comme à regret. Elle murmure :

— Place aux Jeunes !

— Oui, appuie Neer, place aux Jeunes, place aux êtres de demain.

Une dernière révolte me soulève :

— Et nous, nous… Qu’allons-nous devenir ?…

— Nous, dit Neer, en posant sa main sur mon épaule, nous, mon ami, allons dormir, vous m’entendez, dormir… dormir !