Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/305

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trop facilement arrêté. En réalité, savez-vous à quoi je suis parvenu ? Simplement à étirer la vie. Me comprenez-vous ? Je l’ai prise, à la façon d’un ruban de caoutchouc et je l’ai tendue, désespérément. Il n’aurait pas fallu lâcher le caoutchouc. Mais le moyen ?

Autour d’Ugolin, nous sommes une douzaine qui ne perdons pas une miette de cette sorte de testament. Il y a Potrel qui ne voit plus, Schutzzler, plutôt mal en point, et Neer, rigide, et quelques autres parmi les indéfectibles.

Tous se taisent, brisés par une violente émotion où traîne de la peur, la peur sourde du lendemain. Et ils tendent toute leur attention, soucieux de ne rien perdre des ultimes paroles du Maître.

— Je me suis trompé, répète Ugolin, je me suis trompé… Tout ce que j’ai à peu près réussi, c’est d’allonger la vie, dans ses périodes successives. Je sais à présent. Et voyez le beau travail. L’homme, à chaque renouvellement, récupère de la jeunesse. Cela lui permet de prolonger les stades inévitables de son existence. Il reste jeune plus longtemps ; mais il n’évite pas la période de la vieillesse qui, elle aussi, se trouve allongée. Elle durait quelques années autrefois, avant notre intervention, quelques années seulement qui manquaient de gaieté. Maintenant, grâce à nos rédemptions accumulées, elle peut aller jusqu’à près d’un siècle. Voilà tout ce que nous avons gagné.

Il s’appuie sur un poignet en geignant. Je projette mon cou en avant, plein d’une curiosité vorace, cherchant à déchiffrer cette physionomie énigmatique d’où la lumière est absente. C’est une maigre