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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/309

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l’usure, ployés dans une déchéance sans remède, toute volonté éteinte, priant la Mort de vous délivrer et n’osant pas le geste qui affranchit

« Je vois, je vois aussi. Nous sommes demeurés quelques centaines de Vieux Jeunes sur la planète. Nous avons tout soumis, tout conquis ; les races et les espaces se courbent sous notre loi. Mais nous sommes la proie de la vieillesse glaciale. Et nous avons désappris la violence et l’énergie. Nous aspirons à la mort. Elle se rit de nous. Elle nous crie : « Venez donc me conquérir et me mériter. » Malheur ! Nous ne pouvons plus, nous ne savons plus mourir.

Ugolin continue :

— J’ai fait un pacte avec Elle. Elle m’attend à l’heure que j’ai choisie. Nous avons rendez-vous. Seulement, avant de partir, je tiens à régler les choses.

Il s’interrompt un instant, dans un silence plombé où serpentent des courants brûlants d’anxiété.

— Il faut que vous admettiez, d’abord, que notre suprême erreur, la mienne, fut de considérer l’homme, ce méprisable bipède, comme l’aboutissant des efforts de la nature, et contenant en lui toutes les possibilités de devenir. Or l’homme n’est qu’une tentative comme tant d’autres et une tentative ratée. Il n’ira pas plus loin. Il est borné dans ses moyens d’action, alourdi par sa viande. Son espèce est clouée comme un papillon sur un mur et non susceptible d’évolution indéfinie. Il se proclame, avec une vanité désopilante, le terme et le dernier mot de la création, et il croit ce qu’il dit, parce qu’il a crocheté quelques infimes secrets, dans la hotte de l’univers visible. Cet univers,