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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/41

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mains formidables ; il a décidé que nous vieillirions, que nous agoniserions, que nous finirions avec ce globe qui nous entraîne dans une course sans but, sur une voie unique sans stations.

Ce serait, pourtant, si bon de croire. Le Monde, avec une Âme, une Loi de sagesse et de bonté ! Dieu ! Dieu ! Harmonie de l’univers ! Pourquoi n’y a-t-il pas de Dieu ? Et pourquoi, Dieu n’existant pas, Dieu n’étant qu’un leurre, cet élan de l’âme vers Dieu ? Dans le désert de la vie, les mortels poursuivaient un mirage séduisant. Fallait-il vraiment, fallait-il crever d’un coup de poing ce mirage, parmi tant d’autres, pour lui substituer d’inaccessibles chimères ?

C’est là, pourtant, la besogne d’Ugolin, l’œuvre dont nous étions si fiers ! Ah ! Maître !… Maître !… laissez-moi pleurer, cette nuit, dans la détresse de mon intelligence, dans l’abdication de mon orgueil, sur le vide de ce ciel qui me verse tout son mépris. Laissez-moi vous dire que, pour le bonheur des hommes, vous n’aviez peut-être pas le droit de tenter la terrible aventure.

Le bonheur des hommes ! Mes pensées tourbillonnent et s’entre-choquent dans une rougeoyante confusion. La hantise de la Mort, ce spectre depuis si longtemps conjuré, me frigorifie. Bonheur ! Mort ! Bonheur ! Le bonheur, ça peut nicher dans la mort. Avons-nous donc pensé l’assujettir, le fixer, le discipliner ? Le bonheur, je le goûtais, hier à pleines lèvres, je croyais le savourer. Longtemps, je l’ai puisé à cette source de voluptés inépuisables : la femme. J’ai tant, tant aimé de femmes depuis mon premier renouvellement. Longtemps, je l’ai glané sur les têtes innocentes de mes enfants. J’ai tant adoré de ces enfants, avant