Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/40

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enlèvement n’est pas un fait isolé. Depuis plusieurs semaines, déjà, on nous signalait de bouleversantes disparitions, aussi inexplicables que d’autres… d’autres que je connus jadis !… Ce synchronisme confond ma raison. Je ne comprends plus ou je comprends trop. Le cycle s’achève. L’expérience se termine.

Qu’avons-nous gagné à bouleverser les lois éternelles ? Dans son orgueil incommensurable, Ugolin s’est improvisé Dieu. Mais il n’y a pas de Dieu. On ne fabrique pas Dieu. On ne devient pas Dieu.

Dieu !… Dieu ! Les étoiles clignotent vers moi avec un sourire complice. Pourquoi n’y a-t-il pas de Dieu ? Des générations et des générations d’hommes l’ont rêvé violemment, éperdument, ce Dieu, et à force de le rêver, elles ont réussi à le créer. Dieu, c’est entendu, je le sais, je le crie, ce n’est que la projection de nos espérances insensées, de nos aspirations, de nos soifs d’éternité et d’apaisement. Mais il fut si longtemps réalité. Et je la cherche, la réalité, je la cherche obstinément dans ce fouillis d’apparences qu’est le monde.

Les petits enfants vivent joyeux parmi les fées de leurs contes. Les grands enfants ont vécu avec Dieu. Mais Ugolin a supprimé Dieu pour toujours. Nous voici plongés dans ce silence éternel qui effrayait Pascal. Dans la carence du ciel, il n’y a plus rien, et plus rien sur la terre. Vers quelle solitude aride nous sommes-nous précipités ?

Dans les temps anciens, les troupeaux subissaient la loi du prêtre ou du guerrier. Plus tard, ils se courbèrent sous la loi du riche. Ugolin a égorgé tous les maîtres et il a dressé l’autorité presque surnaturelle du Savant. Ugolin a pris la vie, l’a pétrie dans ses