Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/8

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me parviennent. On dirait une tambourinade de grêle sur du cristal. Ils se poursuivent dans le jardin. Leurs cris de petits oiseaux candides criblent le silence.

Les enfants !… Mes enfants !… Ou les enfants de mes enfants ?… Car je n’ignore point, je ne puis ignorer que s’ils ont jailli du ventre maternel — n’y cherchez pas malice ! — et si je suis fondé à m’enorgueillir d’être ce qu’on appelle, dans le style ancien, l’auteur de leurs jours, il n’en reste pas moins qu’ils résultent d’individus fondus dans ma propre individualité. Ici, je sens qu’on ne comprendra point. C’est la faute des mots dont nous disposons. Les mots, les faibles mots demeurent impuissants. Mais pourquoi faut-il que j’aie entrepris de révéler un peu du mystère, de ce mystère qui, en somme, n’est, comme tous les mystères, qu’un phénomène naturel et laisse loin derrière lui les hypostases hilarantes du vieux bon Dieu des chrétiens ?



Mon aîné vogue, avec certitude, vers ses quinze ans. Je le veille, le soigne, le couve avec toute l’affection du créateur pour la créature issue de lui, et aussi, avec l’intérêt du monsieur qui a réussi un bon placement. Un peu de patience et le divin sacrifice sera consommé. L’enfant réintégrera le sein de son père, lui apportant l’étincelle qui ranimera la flamme vivante, s’incorporant à son être, s’habillant de lui-même, mariant son moi à peine éclos à un autre moi qui s’étiole, perpétuant le devenir sous la même enveloppe charnelle…