Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/108

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je vous empruntasse un peu de cette hypocrisie que vous entendez si bien aujourd’hui. Je suis trop vieux pour me reformer. Si j’essayais, je serais encore pire que je ne suis. Je serais curieux de savoir ce que vous pensez de moi ; mais comment le saurais-je ? Vous ne me direz jamais ni tout le bien ni tout le mal que vous en pensez. Autrefois, je ne pensais pas grand bien de my precious self. Maintenant j’ai un peu plus d’estime pour moi, non pas que je me croie devenu meilleur, mais c’est le monde qui est devenu pire. Je pars dans huit jours pour Arles, où je vais exproprier force canaille qui habite le théâtre antique ; n’est-ce pas une jolie occupation ? Vous seriez aimable de m’écrire avant mon départ une lettre remplie de douceurs. J’aime beaucoup qu’on me gâte, et puis je suis horriblement triste et découragé. Il faut vous dire que je passe mes soirées à relire mes œuvres, qu’on réimprime. Je me trouve bien immoral et quelquefois bête. Il s’agit de diminuer l’immoralité et la bêtise sans se donner trop de peine ; d’où il résulte pour moi beaucoup de blue devils. Je vous dis adieu et vous baise très-humblement les mains. Savez-vous ce que j’ai