Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/156

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académicien, je ne serai pas plus dur qu’un rocher. Peut-être serai-je alors un peu racorni et momifié, mais assez bon diable au fond. Pour la Persiani, je n’ai pas d’autre moyen d’en faire mon David que d’aller l’entendre tous les jeudis. Quant à mademoiselle Rachel, je n’ai pas la faculté de jouir des vers aussi souvent que de la musique ; et elle — Rachel, non la musique — me remet en mémoire que je vous ai promis une histoire. Vous la conterai-je ici, ou vous la garderai-je pour quand je vous verrai ? Je vais vous l’écrire, j’aurai sans doute autre chose à vous dire. Donc, j’ai dîné, il y a une douzaine de jours, avec elle, chez un académicien. C’était pour lui présenter Béranger. Il y avait là quantité de grands hommes. Elle vint tard, et son entrée me déplut. Les hommes lui dirent tant de bêtises et les femmes en firent tant, en la voyant, que je restai dans mon coin. D’ailleurs, il y avait un an que je ne lui avais parlé. Après le dîner, Béranger, avec sa bonne foi et son bon sens ordinaires, lui dit qu’elle avait tort de gaspiller son talent dans les salons, qu’il n’y avait pour elle qu’un véritable public, celui du Théâtre-Français, etc. Mademoiselle Rachel