Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/157

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parut approuver beaucoup la morale, et, pour montrer qu’elle en avait profité, joua le premier acte d’Esther. Il fallait quelqu’un pour lui donner la réplique et elle me fit apporter un Racine en cérémonie par un académicien qui faisait les fonctions de sigisbée. Moi, je répondis brutalement que je n’entendais rien aux vers et qu’il y avait dans le salon des gens qui, étant dans cette partie-là, les scanderaient bien mieux. Hugo s’excusa sur ses yeux, un autre sur autre chose. Le maître de la maison s’exécuta. Représentez-vous Rachel en noir, entre un piano et une table à thé, une porte derrière elle et se composant une figure théâtrale. Ce changement à vue a été fort amusant et très-beau ; cela a duré environ deux minutes, puis elle commença :

Est-ce toi, chère Élise ?…

La confidente, au milieu de sa réplique, laisse tomber ses lunettes et son livre ; dix minutes se passent avant qu’elle ait retrouvé sa page et ses yeux. L’auditoire voit qu’Esther enrage quelque peu. Elle continue. La porte s’ouvre derrière : c’est un domestique qui entre. On lui fait signe