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PROSPER MÉRIMÉE

puis j’étais tourmenté d’une idée saugrenue que je n’ai pas osé vous écrire. Je visitais les Arènes de Nîmes avec l’architecte du département, lorsque je vis à dix pas de moi un oiseau charmant, un peu plus gros qu’une mésange, le corps gris de lin, avec des ailes rouges, noires et blanches. Cet oiseau était perché sur une corniche et me regardait fixement. J’interrompis l’architecte pour lui demander le nom de cet oiseau. C’est un grand chasseur, et il me dit qu’il n’en avait jamais vu de semblable. Je m’approchai, et l’oiseau ne s’envola que lorsque j’étais assez près de lui pour le toucher. Il alla se poser à quelques pas de là, me regardant toujours. Partout où j’allais, il semblait me suivre, car je l’ai retrouvé à tous les étages de l’amphithéâtre. Il n’avait pas de compagnon et son vol était sans bruit comme celui d’un oiseau nocturne. Le lendemain, je retournai aux Arènes et je revis encore mon oiseau. J’avais apporté du pain que je lui jetai, mais il n’y toucha pas. Je lui jetai ensuite