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LXXIX

Saint-Lupicin, 15 août 1843, au soir.

À 600 mètres au-dessus du niveau de la
mer. Au milieu d’un océan de puces très-
agiles et très-affamées.


Votre lettre est diplomatique. Vous pratiquez l’axiome que la parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. Heureusement pour vous, le post-scriptum m’a désarmé. Pourquoi dites-vous en allemand ce que vous pensez en français ? Serait-ce que vous ne le pensez qu’en allemand, c’est-à-dire que vous ne le pensez guère ? Je ne veux pas le croire. Mais il y a en vous des choses qui m’irritent au dernier point. Comment êtes-vous encore timide avec moi ? Pour quoi n’avez-vous jamais voulu me dire quelque chose qui m’aurait fait tant de plaisir ? Croyez-vous qu’il y ait des équivalents dans une langue étrangère ?

Vous ne vous figurez pas le lieu où je suis.

Saint-Lupicin est dans les montagnes du Jura.