Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est laid au dernier point, sale et peuplé de puces. Je vais être obligé de me coucher tout à l’heure et je vais passer une nuit comme mes nuits d’Éphèse. Malheureusement, à mon réveil, je ne trouverai ni lauriers, ni ruines grecques. Quel vilain pays ! Je pense souvent que, si les chemins de fer se perfectionnaient, nous pourrions aller ensemble dans un lieu semblable et qu’alors il s’embellirait. Il y a ici une immense quantité de fleurs, un air singulièrement pur et vif ; on entend la voix humaine à une lieue de distance. Pour vous prouver que je pense à vous, voici une petite fleur cueillie dans ma promenade au coucher du soleil. C’est la seule qui se puisse envoyer. Toutes les autres sont colossales. — Que faites-vous ? À quoi pensez-vous ? Vous ne me diriez jamais à quoi vous pensez réellement, et c’est folie à moi de vous le demander. Depuis mon départ, j’ai eu peu de bons moments. Un ciel d’un gris de plomb, tous les accidents et toutes les misères possibles. Une roue cassée, un œil en compote ; tout cela est raccommodé tant bien que mal. Mais ce à quoi je ne m’habitue pas, c’est à la solitude. Il me semble que, cette année, elle