Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/243

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m’est plus pénible qu’à l’ordinaire. Je veux dire la solitude avec le mouvement. Il n’y a rien de plus triste. Il me semble que, si j’étais en prison, je serais plus à mon aise qu’à courir ainsi le pays. Je regrette surtout nos promenades. Vous me faites plaisir en me disant que vous aimez toujours nos bois. J’espère que nous les reverrons, et cependant mon malheureux voyage s’allonge démesurément. Le département du Jura, avec ses montagnes, et ses chemins de traverse, me retarde de plus de dix jours. Je vais de désappointement en désappointement. Encore si c’étaient les premières montagnes que je visse. Je n’ai nulle envie d’aller en Italie. C’est une invention de votre part. Votre lettre m’a fait tantôt plaisir et tantôt m’a fait enrager. J’y vois quelquefois entre les lignes les choses les plus tendres du monde. D’autres fois, vous me paraissez encore plus chilly que de coutume. Il n’y a que le post-scriptum qui me satisfasse. Je ne l’ai vu que tard. Il est à une si grande distance du reste de la lettre ! Si vous m’écrivez tout de suite, écrivez-moi à Besançon ; sinon, adressez votre lettre chez moi à Paris. Je ne sais pas où je serai dans huit jours d’ici.