Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/289

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colère contre moi. Je vous croyais aussi confiante, aussi intime que je l’étais pour vous. Vous dirai-je que c’est le souvenir le plus doux que j’ai conservé de notre promenade ? Quand je vous vois ainsi, vous me rendez bien heureux. Si vous aviez alors de la colère, cela fait honneur à votre dissimulation. Mais j’aime mieux croire aux secondes pensées que de croire que vous n’étiez pas sincère alors. Dites-moi si je me trompe.

J’ai commencé ce soir le dessin que vous commandez. C’est difficile à faire. Je voudrais vos instructions. Vous tenez donc à ce champ de chardons ? Vous dites qu’il vous paraît l’un des plus beaux lieux du monde. Je vous apporterai mon esquisse et aussi votre portrait. Je vous ai donné vos yeux mauvais. Ne croyez pas que telle est leur expression ordinaire. J’en connais une meilleure, d’autant plus précieuse qu’elle est plus rare. Vous verrez tout cela et vous donnerez vos ordres. Vous voudrez bien, pour le payement, vous rappeler que je ne suis pas un peintre ordinaire, ce n’est pas l’œuvre que vous devrez payer, c’est la peine et le temps. Enfin, il est toujours bien de se montrer généreux avec les artistes.