Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/376

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avons un soleil magnifique ; mais il a beau briller, il n’échauffe pas. La nuit, il fait un froid abominable et les factions des soldats au palais ne sont plus que d’un quart d’heure. Avant mon départ, je veux assister encore à quelques séances des Cortès, qui se sont ouvertes avant-hier, très-modestement, sans discours royal, Sa Majesté étant assez près de son terme pour qu’on lui épargne les émotions. Je suis assez bien la politique locale et je connais assez de gens dans tous les partis pour que le spectacle m’amuse en ce moment où nous sommes privés de taureaux. Je vous apporterai des jarretières, puisque vous ne voulez pas de boutons. Ce n’est pas sans peine que je les ai découvertes. La civilisation fait de progrès si rapides, que l’élastique a remplacé à presque toutes les jambes les ligas classiques des temps passés. Lorsque j’ai demandé aux femmes de chambre d’ici de m’indiquer une boutique, elles se sont signées d’indignation, me disant qu’elles ne portaient pas de ces vieilleries-là et que c’était bon pour le peuple. Le progrès des modes françaises est effrayant : les mantilles sont à présent assez rares. Les chapeaux, et quels chapeaux !