Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/75

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changé, les rapports changent aussi, et toujours pour le pire. Bref, à tort ou à raison, je ne puis souffrir que mes amies se marient. Donc, si vous vous mariez, oublions-nous. Je vous en conjure, n’ayez point recours à une de vos échappatoires ordinaires et répondez-moi franchement.

Je vous proteste que, depuis le 28 septembre, je n’ai eu que des contrariétés et des chagrins de toute espèce. Votre mariage était encore dans les fatalités qui devaient tomber sur moi. L’autre nuit, ne pouvant dormir, je repassais dans mon esprit toutes les misères dont j’ai été accablé depuis quinze jours, et je n’y trouvais qu’une seule compensation, qui était votre aimable lettre et la promesse non moins aimable que vous me faisiez d’un schizzo. C’est bien maintenant que j’ai envie de poignarder le soleil, comme disent les Andalous. Mariquita de mi vida (laissez-moi vous appeler ainsi jusqu’à vos noces), j’avais une pierre superbe, bien taillée, brillante, scintillante, admirable sur tous points. Je la croyais un diamant que je n’aurais pas troqué pour celui du Grand Mogol. — Pas du tout ! voilà qu’il se trouve que ce n’est qu’une pierre fausse. Un chimiste de mes