Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/96

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exemplaires : papier magnifique, images, etc., et je l’ai donné aux gens qui m’ont plu. Je vous offrirais cette rareté si vous en étiez digne ; mais sachez que c’est un travail historique et pédantesque si hérissé de grec et de latin, voire même d’osque (savez-vous seulement ce que c’est que l’osque ?), que vous ne pourriez y mordre. — L’été passé, je me suis trouvé quelque argent. Mon ministre m’a donné la clef des champs pour trois mois, et j’en ai passé cinq à courir entre Malte, Athènes, Éphèse et Constantinople. Dans ces cinq mois, je ne me suis pas ennuyé cinq minutes. Vous à qui j’ai fait si grand’peur jadis, que seriez-vous devenue si vous m’aviez vu dans mes courses en Asie avec une ceinture de pistolets, un grand sabre et — le croiriez-vous ? — des moustaches qui dépassaient mes oreilles ! Sans vanité, j’aurais fait peur au plus hardi brigand de mélodrame. À Constantinople, j’ai vu le sultan en bottes vernies et redingote noire, puis tout couvert de diamants, à la procession du Baïram. Là, une belle dame, sur la babouche de qui j’avais marché par mégarde, m’a donné un grandissime coup de poing en