Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/212

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aucun livre que j’aie lu depuis cinq ou six ans ; mais, au fond, ce ne sont que des images. Il n’y a ni fond, ni solidité, ni sens commun ; c’est un homme qui se grise de ses paroles et qui ne prend plus la peine de penser. Le vingtième volume de Thiers me plaît comme à vous. Il y avait une immense difficulté, à mon avis, à extraire quelque chose de l’immense fatras des conversations de Sainte-Hélène rapportées par Las Cases, et Thiers s’en est tiré à merveille. J’aime aussi beaucoup ses jugements et ses comparaisons entre Napoléon et autres grands hommes. Il est un peu sévère pour Alexandre et pour César ; cependant, il y a beaucoup de vrai dans ce qu’il dit sur l’absence de vertu de la part de César. Ici, on s’en occupe beaucoup, et je crains qu’on n’ait trop d’amour pour le héros ; par exemple, on ne veut pas admettre l’anecdote de Nicomède, ni vous non plus, je crois.

Adieu, chère amie ; portez-vous bien et ne vous sacrifiez pas trop pour les autres, parce qu’ils en prendront trop bien l’habitude, et que ce que vous faites à présent avec plaisir, un jour peut-être vous serez obligée de le faire avec peine. Adieu encore.