Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/211

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les vallées qui longent les Pyrénées et nous en revenons avec des appétits prodigieux. La mer, qui est ordinairement très-mauvaise ici, est depuis une semaine d’un calme surprenant ; mais ce n’est rien pourtant en comparaison de la Méditerranée et surtout de cette mer de Cannes. Les baigneuses sont toujours aussi étranges en matière de costume. Il y a une madame *** qui est de la couleur d’un navet, qui s’habille en bleu et se poudre les cheveux. On prétend que c’est de la cendre qu’elle se met sur la tête, à cause des malheurs de sa patrie. Malgré les promenades et la cuisine, je travaille un peu. J’ai écrit, tant à Biarritz que dans les Pyrénées, plus de la moitié d’un volume. C’est encore l’histoire d’un héros cosaque que je destine au Journal des Savants. À propos de littérature, avez-vous lu le speech de Victor Hugo à un dîner de libraires belges et autres escrocs à Bruxelles ? Quel dommage que ce garçon, qui a de si belles images à sa disposition, n’ait pas l’ombre de bon sens, ni la pudeur de se retenir de dire des platitudes indignes d’un honnête homme ! Il y a dans sa comparaison du tunnel et du chemin de fer plus de poésie que je n’en ai trouvé dans