Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/230

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l’humidité, qui, dans le pays où vous êtes, accompagne le coucher du soleil. Ayez soin de n’avoir jamais froid, dussiez-vous avoir trop chaud. Je vous envie d’être dans ce beau pays, où l’on a de douces et agréables mélancolies qu’on se rappelle ensuite avec plaisir ; mais je voudrais que, pour faire mieux la comparaison, vous allassiez passer une semaine à Naples. De toutes les transitions, c’est la plus brusque et la plus amusante que je connaisse. En outre, elle a l’avantage de la comédie après la tragédie ; on va se coucher avec des idées bouffonnes. Je ne sais si la cuisine a fait des progrès dans les États du saint-père. C’était, de mon temps, l’abomination de la désolation, tandis qu’à Naples on trouvait à vivre. Il est possible que les révolutions politiques aient passé le niveau sur les deux cuisines, et que, friande comme vous êtes, vous les trouviez mauvaises l’une et l’autre. Nous vivons ici sur les histoires arrivées ou prêtées à madame de ***. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle est folle à lier. Elle bat ses gens, elle donne des soufflets et des coups de poing et fait l’amour avec plusieurs cocodès à la fois. Elle pousse l’anglomanie jusqu’à boire du brandy et du