Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travailler, mais cela ne me dure pas assez pour aboutir. En outre, je suis très-mélancolique. Je crois que j’ai quelque mauvaise affaire aux yeux. J’ai envie et peur d’aller consulter Liebreich ; mais, si je perds la vue, que deviendrai-je ?

Il y a de par le monde un prince Augustin Galitzin qui s’est converti au catholicisme, et qui n’est pas bien fort en russe. Il a traduit un roman de Tourguenief qui s’appelle Fumée et qui paraît dans le Correspondant, journal clérical, dont le prince est un des bailleurs de fonds. Tourguenief m’a chargé de revoir les épreuves. Or, il y a des choses assez vives dans ce roman, qui font le désespoir du prince Galitzin ; par exemple, une chose inouïe : une princesse russe qui fait l’amour avec aggravation d’adultère. Il saute les passages qui lui font trop de peine, et, moi, je les rétablis sur le texte. Il est quelquefois très-susceptible, comme vous allez voir. La grande dame se permet de venir voir son amant dans un hôtel, à Bade. Elle entre dans sa chambre, et le chapitre finit. L’histoire reprend ainsi dans l’original russe : « Deux heures après, Litvinof était seul sur son divan. » Le néo--