Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/42

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mais à peine touche-t-il à la pointe des montagnes de l’Estérel, qu’il s’élève un petit vent des Alpes qui vous coupe en deux. Cependant, je me trouve beaucoup mieux qu’à Paris. Je n’ai pas eu de spasmes, et le rhume que j’avais emporté s’est guéri au grand air ; seulement, je ne mange pas du tout et je dors très-médiocrement. J’ai fait l’autre jour un litre de mauvais sang en ma qualité de tempérament nerveux. J’ai dû mettre mon domestique à la porte et le faire partir sur-le-champ. Ces sortes d’individus-là s’imaginent être nécessaires et abusent de votre patience. J’ai trouvé ici un gamin de Nice qui brosse mes habits et qui est comme un chat chaussé de coquilles de noix sur la glace. Je voudrais bien découvrir un trésor comme j’en ai vu quelquefois, surtout en Angleterre : quelqu’un qui me comprît sans que j’eusse besoin de parler.

Il y a ici grande quantité d’Anglais. J’ai dîné avant-hier chez lord Brougham avec je ne sais combien de miss, fraîchement arrivées d’Écosse, à qui la vue du soleil paraissait causer une grande surprise. Si j’avais le talent de décrire les costumes, je vous amuserais avec ceux de ces dames. Vous