Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenant, les guerres ne peuvent plus durer longtemps, parce que les révolutions s’en mêlent et parce qu’elles coûtent trop d’argent. C’est pourquoi, si j’étais jeune, je me ferais soldat. — Mais laissons ce vilain sujet. Le malheur qui peut arriver ne peut être détourné, et le plus sage est d’y penser le moins possible ; c’est pourquoi je désire tant me promener avec vous loin de la guerre, à ne penser qu’aux feuilles et aux fleurs qui poussent, et à d’autres choses non moins agréables. Quoi qu’il puisse arriver, n’est-ce pas le parti le plus raisonnable ? Si vous avez lu Boccace, vous aurez vu qu’après tous les grands malheurs, on en vient là. Ne vaut-il pas mieux commencer ? Les grandes vérités et les choses les plus raisonnables ne trouvent pas tout de suite accès dans votre tête. Je me rappellerai toujours votre étonnement lorsque je vous dis qu’il y avait des bois dans les environs de Paris. — J’ai dîné chez un Chinois qui m’a offert une pipe d’opium. J’avais des étouffements ; à la troisième bouffée, j’ai été guéri. Un Russe, qui a essayé l’opium après moi, a changé complètement de physionomie en moins de dix minutes : de très-laid, il est devenu vraiment beau.