Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/85

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d’un départ. Votre lettre, qui m’avait précédé à Madrid, par excès de zèle de la part de mes amis, s’est perdue quelques jours et il n’a pas été facile de la faire revenir à bon port. Ici, j’ai trouvé tout fort changé. Les dames que j’avais laissées minces comme des fuseaux sont devenues des éléphants, car le climat de Madrid est des plus engraissants. Attendez-vous à me revoir augmenté d’un tiers. Cependant, je ne mange guère et je ne vais pas très-bien ; il fait très-froid, pluie de temps en temps, rarement du soleil, je passe presque toutes les journées à Carabouchel. Le soir, nous allons à l’Opéra, qui est tout ce qu’il y a de plus pitoyable. Je suis venu ce matin à Madrid pour assister à une séance académique et je retourne demain à la campagne. Il me semble que les mœurs ont changé notablement, et que la politique et le régime parlementaire ont singulièrement altéré le pittoresque de la vieille Espagne. En ce moment, on ne parle que de guerre. Il s’agit de venger l’honneur national, et c’est un enthousiasme général qui rappelle les croisades. On s’est imaginé que les Anglais voient avec déplaisir l’expédition d’Afrique et même