Page:Mérimée - Carmen.djvu/102

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— Il me semble que je vous ai vu, dit-il.

— Je mis une piastre sur son banc. — Quand direz-vous la messe ? lui demandai-je.

— Dans une demi-heure. Le fils de l’aubergiste de là-bas va venir la servir. Dites-moi, jeune homme, n’avez-vous pas quelque chose sur la conscience qui vous tourmente ? voulez-vous écouter les conseils d’un chrétien ?

Je me sentais près de pleurer. Je lui dis que je reviendrais, et je me sauvai. J’allai me coucher sur l’herbe jusqu’à ce que j’entendisse la cloche. Alors je m’approchai, mais je restai en dehors de la chapelle. Quand la messe fut dite, je retournai à la venta. J’espérais presque que Carmen se serait enfuie ; elle aurait pu prendre mon cheval et se sauver… mais je la retrouvai. Elle ne voulait pas qu’on pût dire que je lui avais fait peur. Pendant mon absence, elle avait défait l’ourlet de sa robe pour en retirer le plomb. Maintenant elle était devant une table, regardant dans une terrine pleine d’eau le plomb qu’elle avait fait fondre, et qu’elle venait d’y jeter. Elle était si occupée de sa magie qu’elle ne s’aperçut pas d’abord de mon retour. Tantôt elle prenait un morceau de plomb et le tournait de tous les côtés d’un air triste, tantôt elle chantait quelqu’une de