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Page:Mérimée - Carmen.djvu/143

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l’âme est malade aussi, mais moi je réponds de sa guérison.

Elle s’était levée en parlant, et roulait entre ses doigts un papier qui contenait quelques louis.

— Tenez, dit-elle, si vous aviez quelque fantaisie…

Et elle glissait sous son oreiller son petit présent.

— Non, madame ! s’écria Arsène impétueusement en repoussant le papier, je ne veux rien de vous que ce que vous m’avez promis. Adieu. Nous ne nous reverrons plus. Faites-moi porter dans un hôpital, pour que je finisse sans gêner personne. Jamais vous ne pourriez faire de moi rien qui vaille. Une grande dame comme vous aura prié pour moi ; je suis contente. Adieu.

Et, se tournant autant que le lui permettait l’appareil qui la fixait sur son lit, elle cacha sa tête dans un oreiller pour ne plus rien voir.

— Écoutez, Arsène, dit madame de Piennes d’un ton grave. J’ai des desseins sur vous. Je veux faire de vous une honnête femme. J’en ai l’assurance dans votre repentir. Je vous reverrai souvent, j’aurai soin de vous. Un jour, vous me devrez votre propre estime. — Et elle lui prit la main qu’elle serra légèrement.

— Vous m’avez touchée ! s’écria la pauvre fille, vous m’avez pressé la main.