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Page:Mérimée - Carmen.djvu/142

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est aisé d’être honnête. Moi, j’aurais été honnête si j’en avais eu le moyen. J’ai eu bien des amants… je n’ai jamais aimé qu’un seul homme. Il m’a plantée là. Si j’avais été riche, nous nous serions mariés, nous aurions fait souche d’honnêtes gens… Tenez, madame, je vous parle comme cela, tout franchement, quoique je voie bien ce que vous pensez de moi, et vous avez raison… Mais vous êtes la seule femme honnête à qui j’aie parlé de ma vie, et vous avez l’air si bonne, si bonne !… que je me suis dit tout à l’heure en moi-même : Même quand elle me connaîtra, elle aura pitié de moi. Je m’en vais mourir, je ne vous demande qu’une chose… C’est, quand je serai morte, de faire dire une messe pour moi dans l’église où je vous ai vue pour la première fois. Une seule prière, voilà tout, et je vous remercie du fond du cœur…

— Non, vous ne mourrez pas ! s’écria madame de Piennes fort émue. Dieu aura pitié de vous, pauvre pécheresse. Vous vous repentirez de vos désordres, et il vous pardonnera. Si mes prières peuvent quelque chose pour votre salut, elles ne vous manqueront pas. Ceux qui vous ont élevée sont plus coupables que vous. Ayez du courage seulement, et espérez. Tâchez surtout d’être plus calme, ma pauvre enfant. Il faut guérir le corps ;