Page:Mérimée - Carmen.djvu/164

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auteur, ensuite parce que vous m’accuseriez peut-être de vouloir tirer quelque méchante conclusion contre ces sortes d’ouvrages en général. Suffit que le livre en question était d’un jeune homme de dix-neuf ans, et spécialement approprié à la réconciliation des pécheresses endurcies ; qu’Arsène était très-accablée, et qu’elle n’avait pu fermer l’œil la nuit précédente. À la troisième page, il arriva ce qui serait arrivé avec tout autre ouvrage, sérieux ou non ; il advint, ce qui était inévitable : je veux dire que mademoiselle Guillot ferma les yeux et s’endormit. Madame de Piennes s’en aperçut et se félicita de l’effet calmant qu’elle venait de produire. Elle baissa d’abord la voix pour ne pas réveiller la malade en s’arrêtant tout à coup, puis elle posa le livre et se leva doucement pour sortir sur la pointe du pied ; mais la garde avait coutume de descendre chez la portière lorsque madame de Piennes venait, car ses visites ressemblaient un peu à celles d’un confesseur. Madame de Piennes voulut attendre le retour de la garde ; et comme elle était la personne du monde la plus ennemie de l’oisiveté, elle chercha quelque emploi à faire des minutes qu’elle allait passer auprès de la dormeuse. Dans un petit cabinet derrière l’alcôve, il y avait une table avec de l’encre et du papier ; elle s’y assit et se mit à écrire