Page:Mérimée - Carmen.djvu/176

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tion en le laissant crever seul. Il ne se peut pas que vous pensiez autrement, vous qui êtes si bonne et si charitable. Songez-y, madame ; de ma part, il y aurait vraiment de la cruauté.

— Tout à l’heure je vous demandais de me faire cette promesse au nom de votre bonne tante… au nom de l’amitié que vous avez pour moi… maintenant, c’est au nom de cette malheureuse fille elle-même que je vous le demande. Si vous l’aimez réellement…

— Ah ! madame, je vous en supplie, ne rapprochez pas ainsi des choses qui ne se peuvent comparer. Croyez-moi bien, madame, je souffre extrêmement à vous résister en quoi que ce soit ; mais, en vérité, je m’y crois obligé d’honneur… Ce mot vous déplaît ? Oubliez-le. Seulement, madame, à mon tour, laissez-moi vous conjurer par pitié pour cette infortunée… et aussi un peu par pitié pour moi… Si j’ai eu des torts… si j’ai contribué à la retenir dans le désordre… je dois maintenant prendre soin d’elle. Il serait affreux de l’abandonner. Je ne me le pardonnerais pas. Non, je ne puis l’abandonner. Vous n’exigerez pas cela, madame…

— D’autres soins ne lui manqueront pas. Mais, répondez-moi, Max : vous l’aimez ?

— Je l’aime… je l’aime… Non… je ne l’aime pas.