Page:Mérimée - Carmen.djvu/199

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nes se leva doucement, et chacun demeura quelque temps immobile, regardant avec anxiété le visage livide d’Arsène. Ses yeux étaient fermés. Chacun retenait sa respiration comme pour ne pas troubler le terrible sommeil qui peut-être avait commencé pour elle, et l’on entendait distinctement dans la chambre le faible tintement d’une montre placée sur la table de nuit.

— Elle est passée, la pauvre demoiselle ! dit enfin la garde après avoir approché sa tabatière des lèvres d’Arsène ; vous le voyez, le verre n’est pas terni. Elle est morte !

— Pauvre enfant ! s’écria Max sortant de la stupeur où il semblait plongé. Quel bonheur a-t-elle eu dans ce monde ?

Tout à coup, et comme ranimée à sa voix, Arsène ouvrit les yeux. — J’ai aimé ! murmura-t-elle d’une voix sourde. Elle remuait les doigts et semblait vouloir tendre les mains. Max et madame de Piennes s’étaient approchés et prirent chacun une de ses mains. — J’ai aimé, répéta-t-elle avec un triste sourire. Ce furent ses dernières paroles. Max et madame de Piennes tinrent longtemps ses mains glacées sans oser lever les yeux…