Page:Mérimée - Carmen.djvu/20

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avaient disparu ; nous avions fumé chacun un second cigare ; j’ordonnai au guide de brider nos chevaux, et j’allais prendre congé de mon nouvel ami, lorsqu’il me demanda où je comptais passer la nuit.

Avant que j’eusse fait attention à un signe de mon guide, j’avais répondu que j’allais à la venta del Cuervo.

— Mauvais gîte pour une personne comme vous, monsieur… J’y vais, et, si vous me permettez de vous accompagner, nous ferons route ensemble.

— Très-volontiers, dis-je en montant à cheval. Mon guide, qui me tenait l’étrier, me fit un nouveau signe des yeux. J’y répondis en haussant les épaules, comme pour l’assurer que j’étais parfaitement tranquille, et nous nous mîmes en chemin.

Les signe mystérieux d’Antonio, son inquiétude, quelques mots échappés à l’inconnu, surtout sa course de trente lieues et l’explication peu plausible qu’il en avait donnée, avaient déjà formé mon opinion sur le compte de mon compagnon de voyage. Je ne doutai pas que je n’eusse affaire à un contrebandier, peut-être à un voleur ; que m’importait ? Je connaissais assez le caractère espagnol pour être très sûr de n’avoir rien à craindre d’un homme qui avait mangé et fumé