Page:Mérimée - Carmen.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

reuse, et qu’elle avait de charmants enfants. Le hasard l’a rendu témoin de quelques-unes des impatiences de Henri. De là des confidences, en quelque sorte forcées de ma part, et de la sienne un redoublement d’intérêt. Il connaît mon mari comme s’il l’avait pratiqué dix ans. D’ailleurs, il était aussi bon conseiller que toi, et plus impartial, car tu crois toujours que les torts sont partagés. Lui, me donnait toujours raison, mais en me recommandant la prudence et la politique. En un mot, il se montrait un ami dévoué. Il y a en lui quelque chose de féminin qui me charme. C’est un esprit qui me rappelle le tien. Un caractère exalté et ferme, sensible et concentré, fanatique du devoir… Je couds des phrases les unes aux autres pour retarder l’explication. Je ne puis parler franc ; ce papier m’intimide. Que je voudrais te tenir au coin du feu, avec un petit métier entre nous deux, brodant à la même portière ! — Enfin, enfin, ma Sophie, il faut bien lâcher le grand mot. Le pauvre malheureux était amoureux de moi. Ris-tu, ou bien es-tu scandalisée ? Je voudrais te voir en ce moment. Il ne m’a rien dit, bien entendu, mais nous ne nous trompons guère, et ses grands yeux noirs !… Pour le coup, je crois que tu ris. — Que de lions voudraient avoir ces yeux-là qui parlent sans le vouloir ! J’ai vu tant de ces