Aller au contenu

Page:Mérimée - Carmen.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LE VIEILLARD.

Oui, il m’en souvient. C’est de mon temps qu’on a fait cette chanson ; on s’en amusait, on en faisait rire les gens. Quand nous campions dans la steppe de Kagoul, par une nuit d’hiver, ma pauvre Maryoula la chantait en berçant sa fille auprès du feu. Dans mon esprit les années qui ne sont plus, heure par heure, deviennent toujours plus confuses. Cette chanson s’est glissée dans ma mémoire et n’en est plus sortie.


Tout est silencieux. Il est nuit. La lune resplendit au sud dans un ciel azuré ; Zemfira réveille le vieillard. —

Père ! Aleko est effrayant. Écoute, Dans un sommeil de plomb il geint et sanglote.

LE VIEILLARD.

Ne le touche pas. Ne fais pas de bruit. Sais-tu ce que dit le Russe ? À l’heure de minuit l’esprit familier serre la gorge aux dormeurs. Devant l’aube il s’enfuit. Reste auprès de moi.

ZEMFIRA.

Père, il parle, il appelle Zemfira.

LE VIEILLARD.

Il te cherche même en rêve. Tu lui es plus chère que la vie.