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Page:Mérimée - Carmen.djvu/302

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il resplendit ; mais voilà qu’elle passe à un autre, où elle ne s’arrêtera pas plus longtemps. Qui lui assignerait une place au ciel ? Qui lui dirait : Reste là ? Qui peut dire au cœur d’une jeune fille : Rien qu’un amour, jamais de changement ?… Console-toi ?

ALEKO.

Comme elle m’aimait autrefois ! Comme elle se pressait tendrement sur moi, dans nos haltes au milieu de la steppe ! Que les heures de la nuit passaient vite ! Gaie comme un enfant, d’un mot bégayé à l’oreille, d’un baiser enivrant, elle chassait ma mélancolie. Zemfira infidèle !… Ne plus m’aimer !…

LE VIEILLARD.

Écoute ; je te raconterai une histoire de moi-même. Il y a longtemps, lorsque le Moscovite n’effrayait pas encore le Danube, — vois-tu, je rappelle de vieux ennuis, — alors nous tremblions au nom du sultan ; un pacha commandait au Boudjak, du haut des tours d’Akerman. J’étais jeune, mon cœur bouillonnait dans sa joie, et sur ma tête, dans mes tresses touffues, on n’eût pas trouvé un poil blanc. Parmi nos jeunes beautés, il y en avait une… et longtemps elle fut le soleil pour moi. Enfin, mienne elle devint.

Ah ! ma jeunesse a passé rapide comme l’étoile qui