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Page:Mérimée - Carmen.djvu/305

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ZEMFIRA.

Cette nuit ; quand la lune sera couchée. Là-bas, au Kourgâne, près du tombeau.

LE BOHÉMIEN.

Menteuse ! Elle ne viendra pas.

ZEMFIRA.

Cours, ami. Le voilà ! Je viendrai.


Aleko dort ; une inquiète vision l’obsède. Il se réveille en criant. Le jaloux étend la main, mais sa main effrayée n’a saisi qu’une couverture froide. Sa compagne n’est plus auprès de lui. Tremblant, il se lève. Tout est tranquille. Il frémit, il transit, il brûle. Il sort de sa tente, et, pâle, tourne autour des chariots. Nul bruit ; la campagne est muette. L’obscurité règne, la lune s’est plongée dans le brouillard. À la tremblante lueur des étoiles, sur la rosée, il a deviné des pas. Ils mènent au Kourgâne. Il se précipite sur ces traces funestes. Voilà le tombeau blanc qui se dresse au bord du sentier. Un sinistre pressentiment l’agite, il marche en chancelant. Ses lèvres tremblent, ses genoux fléchissent : il avance et… Est-ce un rêve ? Deux ombres sont là, près de lui, et il entend le murmure de voix qui se parlent sur la tombe profanée.