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Page:Mérimée - Carmen.djvu/324

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pour exprimer les nuances les plus délicates. Douée d’une merveilleuse concision qui s’allie à la clarté, il lui suffit d’un mot pour associer plusieurs idées qui, dans une autre langue, exigeraient des phrases entières. Le français, renforcé de grec et de latin, appelant à son aide tous ses patois du Nord et du Midi, la langue de Rabelais enfin, peut seule donner une idée de cette souplesse et de cette énergie. On conçoit qu’un si admirable instrument exerce une influence considérable sur le talent d’un écrivain qui se sent habile à le manier. Il se complaît nécessairement dans le pittoresque de ses expressions, de même qu’un dessinateur qui a de la main et un vieux crayon de Brookman s’applique involontairement à tracer des contours d’une exquise finesse. Rien de mieux sans doute ; mais il y a peu de choses qui n’aient leur mauvais côté. Le précieux du faire est un mérite considérable, s’il est réservé aux parties capitales d’une composition. Qu’il soit uniformément prodigué à tous les accessoires, il répandra, je le crains, un peu de monotonie sur l’ensemble.

J’ai dit que la satire était, à mon avis, le caractère particulier du talent de M. Gogol. Il ne voit en beau ni les choses ni les hommes : cela ne veut pas dire qu’il soit un observateur infidèle ; mais ses études de mœurs