gendre un homme qui traite les ministres par-dessous la jambe ; mais la farce ne peut se prolonger indéfiniment. Heureusement le valet de Khlestakof est un garçon prudent qui détermine son maître à gagner au pied avant que la vérité se découvre. Cependant, tandis qu’on charge la voiture, Khlestakof a encore des visites à recevoir. Ce sont d’abord des marchands qui viennent se plaindre du gouverneur. Ils entrent portant des pains de sucre et des bouteilles d’eau-de-vie, selon l’usage oriental de n’aborder les grands qu’avec un présent à la main.
« Un marchand. — Nous venons battre du front contre le gouverneur. Jamais, monseigneur, on ne vit son pareil. Ses iniquités sont si nombreuses, qu’on ne saurait les écrire toutes. Ce qu’il fait, on est épouvanté à le dire. Il nous abîme de soldats à loger ; on n’a plus qu’à se pendre. Il vous prend par la barbe et vous dit : « Chien de Tartare ! » — Hélas ! mon Dieu ! si on lui avait manqué en quoi que ce soit ; mais nous sommes des gens d’ordre et soumis aux lois. Chacun de nous lui donne une couple d’habits, comme de juste, pour son épouse et sa demoiselle. Nous n’avons rien à dire là contre. Mais, vois-tu, ce n’est rien que cela. Il vient à la boutique. Hélas ! hélas ! tout ce qui lui tombe sous la main, il l’emporte. Il voit une pièce de drap. « Ah ! mon cher, dit-il, voilà du beau petit drap, porte cela chez moi. » Que faire ? il faut bien le lui apporter, et des pièces de cinquante archines.
« Khlestakof. — C’est-à-dire que c’est un coquin.
« Un marchand. — Hélas ! mon Dieu ! personne ne se