Page:Mérimée - Carmen.djvu/62

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rive la voiture du colonel, avec son valet de chambre sur le siége. Qu’est-ce que je vois descendre ?… la gitanilla. Elle était parée, cette fois, comme une châsse, pomponnée, attifée, tout or et tout rubans. Une robe à paillettes, des souliers bleus à paillettes aussi, des fleurs et des galons partout. Elle avait un tambour de basque à la main. Avec elle il y avait deux autres bohémiennes, une jeune et une vieille. Il y a toujours une vieille pour les mener ; puis un vieux avec une guitare, bohémien aussi, pour jouer et les faire danser. Vous savez qu’on s’amuse souvent à faire venir des bohémiennes dans les sociétés, afin de leur faire danser la romalis, c’est leur danse, et souvent bien autre chose.

Carmen me reconnut, et nous échangeâmes un regard. Je ne sais, mais, en ce moment, j’aurais voulu être à cent pieds sous terre. — Agur laguna[1], dit-elle. Mon officier, tu montes la garde comme un conscrit ! Et, avant que j’eusse trouvé un mot à répondre, elle était dans la maison.

Toute la société était dans le patio, et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait à travers la grille[2]. J’entendais les castagnettes, le tam-

  1. Bonjour, camarade.
  2. La plupart des maisons de Séville ont une cour intérieure