Page:Mérimée - Carmen.djvu/78

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mes à Ronda. Carmen nous y avait précédés. Ce fut elle encore qui nous indiqua le moment où nous entrerions en ville. Ce premier voyage et quelques autres après furent heureux. La vie de contrebandier me plaisait mieux que la vie de soldat ; je faisais des cadeaux à Carmen. J’avais de l’argent et une maîtresse. Je n’avais guère de remords, car, comme disent les bohémiens : Gale avec plaisir ne démange pas[1]. Partout nous étions bien reçus ; mes compagnons me traitaient bien, et même me témoignaient de la considération. La raison, c’était que j’avais tué un homme, et parmi eux il y en avait qui n’avaient pas un pareil exploit sur la conscience. Mais ce qui me touchait davantage dans ma nouvelle vie, c’est que je voyais souvent Carmen. Elle me montrait plus d’amitié que jamais ; cependant, devant les camarades, elle ne convenait pas qu’elle était ma maîtresse ; et même, elle m’avait fait jurer par toutes sortes de serments de ne rien leur dire sur son compte. J’étais si faible devant cette créature, que j’obéissais à tous ses caprices. D’ailleurs, c’était la première fois qu’elle se montrait à moi avec la réserve d’une honnête femme, et j’étais assez simple pour

  1. Sarapia sat pesquital ne punzava