Page:Mérimée - Carmen.djvu/77

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de trois cerceaux avec une couverture par-dessus.

— Si je tiens jamais dans la montagne, lui disais-je, je serai sûr de toi ! Là, il n’y a pas de lieutenant pour partager avec moi.

— Ah ! tu es jaloux, répondait-elle. Tant pis pour toi. Comment es-tu assez bête pour cela ? Ne vois-tu pas que je t’aime, puisque je ne t’ai jamais demandé d’argent ?

Lorsqu’elle parlait ainsi, j’avais envie de l’étrangler.

Pour le faire court, monsieur, Carmen me procura un habit bourgeois, avec lequel je sortis de Séville sans être reconnu. J’allai à Jerez avec une lettre de Pastia pour un marchand d’anisette chez qui se réunissaient des contrebandiers. On me présenta à ces gens-là, dont le chef, surnommé le Dancaïre, me reçut dans sa troupe. Nous partîmes pour Gaucin, où je retrouvai Carmen, qui m’y avait donné rendez-vous. Dans les expéditions, elle servait d’espion à nos gens, et de meilleur il n’y en eut jamais, Elle revenait de Gibraltar, et déjà elle avait arrangé avec un patron de navire l’embarquement de marchandises anglaises que nous devions recevoir sur la côte. Nous allâmes les attendre près d’Estepona, puis nous en cachâmes une partie dans la montagne ; chargés du reste, nous nous rendî-