Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/113

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selle Lydia devait être en route quand votre lettre est arrivée à Ajaccio. Vous lui disiez donc de ne pas venir ?

— Je lui disais que nous étions en état de siège. Ce n’est pas, ce me semble, une situation à recevoir du monde.

— Bah ! ces Anglais sont des gens singuliers. Elle me disait, la dernière nuit que j’ai passée dans sa chambre, qu’elle serait fâchées de quitter la Corse sans avoir vu une belle vendette. Si vous le vouliez, Orso, on pourrait lui donner le spectacle d’un assaut contre la maison de nos ennemis ?

— Sais-tu, dit Orso, que la nature a eu tort de faire de toi une femme, Colomba ? Tu aurais été un excellent militaire.

— Peut-être. En tout cas je vais faire mon bruccio.

— C’est inutile. Il faut envoyer quelqu’un pour les prévenir et les arrêter avant qu’ils se mettent en route.

— Qui ? vous voulez envoyer un messager par le temps qu’il fait pour qu’un torrent l’emporte avec votre lettre… Que je plains les pauvres bandits par cet orage ! Heureusement, ils ont de bons piloni[1]… Savez-vous ce qu’il faut faire, Orso ? Si l’orage cesse, partez demain de très-bonne heure, et arrivez chez notre parente avant que vos amis se soient mis en route. Cela vous sera facile, miss Lydia se lève toujours tard. Vous leur conterez ce qui s’est passé chez nous ; et s’ils persistent à venir, nous aurons grand plaisir à les recevoir.

Orso se hâta de donner son assentiment à ce projet, et Colomba, après quelques moments de silence :

— Vous croyez peut-être, Orso, reprit-elle, que je plaisantais lorsque je vous parlais d’un assaut contre la maison Barricini ? Savez-vous que nous sommes en force, deux contre un au moins ? Depuis que le préfet a suspendu le

  1. Manteau de drap très-épais garni d’un capuchon.