Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/129

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pendre ! Allons, vous voilà monté… avant de partir, regardez donc un peu votre ouvrage. Il n’est pas poli de quitter ainsi la compagnie sans lui dire adieu.

Orso donna des éperons à son cheval ; pour rien au monde il n’eût voulu voir les malheureux à qui il venait de donner la mort.

— Tenez, Ors’ Anton’, dit le bandit s’emparant de la bride du cheval, voulez-vous que je vous parle franchement ? Eh bien ! sans vous offenser, ces deux pauvres jeunes gens me font de la peine. Je vous prie de m’excuser… Si beaux… si forts… si jeunes !… Orlanduccio avec qui j’ai chassé tant de fois… Il m’a donné, il y a quatre jours, un paquet de cigares… Vincentello, qui était toujours de si belle humeur… C’est vrai que vous avez fait ce que vous deviez faire… et d’ailleurs le coup est trop beau pour qu’on le regrette… Mais moi, je n’étais pas dans votre vengeance… Je sais que vous avez raison ; quand on a un ennemi, il faut s’en défaire. Mais les Barricini, c’était une vieille famille… En voilà encore une qui fausse compagnie !… et par un coup double ! c’est piquant.

Faisant ainsi l’oraison funèbre des Barricini, Brandolaccio conduisait en hâte Orso, Chilina et le chien Brusco vers le mâquis de la Stazzona.

XVIII.

Cependant Colomba, peu après le départ d’Orso, avait appris par ses espions que les Barricini tenaient la campagne, et, dès ce moment, elle fut en proie à une vive inquiétude. On la voyait parcourir la maison en tous sens, allant de la cuisine aux chambres préparées pour ses hôtes, ne faisant rien et toujours occupée, s’arrêtant sans cesse pour regarder si elle n’apercevait pas dans le village un mouvement inusité. Vers onze heures une cavalcade assez